Différents régimes matrimoniaux à la loupe

Si vous envisagez de vous marier, vous avez le choix, entre autres, de vous marier sous le régime de la communauté de biens ou de la séparation de biens. Quels sont alors vos droits et obligations envers votre époux(se) et quelles dispositions pouvez-vous prendre ? Comment cela se passe-t-il pour les cohabitants légaux et de fait ?

Différents régimes matrimoniaux à la loupe

Introduction

Le fait d’être marié ou cohabitant (légal) ou non a des conséquences importantes sur le plan patrimonial. Le fait de vivre ensemble crée en effet certains droits et obligations entre les partenaires, et occasionne, dans une certaine mesure, un mélange des patrimoines.

En ce qui concerne les personnes mariées et les cohabitants légaux, le législateur a mis au point une réglementation particulière. Pour les cohabitants de fait, il n’y a pas de règles spécifiques, et l’on applique en principe certaines dispositions de droit commun.

Il est important qu’un large degré d’autonomie soit accordé aux époux/cohabitants légaux. Ainsi, ils peuvent dans certaines limites étendre ou limiter le mélange des patrimoines via toutes sortes de clauses.

Partie 1 - Mariage

I. Dispositions générales

Notions

Le mariage est la communauté universelle entre deux personnes physiques, de sexe différent ou identique, qui se sont engagées par un contrat solennel dont les conséquences sont réglées par le Code civil (art. 143 ancien C. civ.).

Capacité

Le mariage peut uniquement être contracté entre deux personnes ayant minimum 18 ans et qui ne sont pas liées par un autre mariage (art. 144 et 147 ancien C. civ.).

Précisions a. Un mineur ne peut en principe pas se marier, sauf avec la permission des parents ou l’autorisation du juge de paix, pour motifs graves. Ceux-ci doivent à chaque fois être appréciés concrètement par le juge, qui a une large marge d’appréciation en la matière (art. 145 et 148 ancien C. civ.).

b. Se marier avec des membres de la famille jusqu’au troisième degré (parents, frères, sœurs, neveux, nièces, oncles et tantes) est en principe interdit (art. 161-163 ancien C. civ.). Cette interdiction peut être levée entre certains parents et pour des causes graves (p.ex. en cas de grossesse). On doit introduire une demande motivée auprès du ministre de la Justice (art. 164 ancien C. civ.).

Début et fin

Le mariage naît par la comparution des deux fiancés devant le bourgmestre ou l’échevin de l’état civil, par laquelle ils déclarent formellement qu’ils souhaitent conjointement se prendre pour époux (art. 166 ancien C. civ.). Il se dissout par la mort d’un des époux ou par le divorce (art. 227 ancien C. civ.).

Précisions a. Le mariage religieux n’a pas de conséquences juridiques et doit toujours être précédé du mariage civil (art. 21, al. 2 Const.).

b. Les mariages célébrés à l’étranger sont valables en Belgique lorsqu’il est satisfait aux conditions légales belges pour pouvoir se marier et lorsqu’ils sont célébrés selon les formes d’usage dans le pays en question (art. 27 CDIP). On peut faire reconnaître ce mariage étranger par la transcription de l’acte de mariage étranger dans les registres de l’état civil.

c. La séparation de fait ne met pas fin au mariage (art. 227 ancien C. civ.).

Conséquences

De par le mariage, naît une communauté de patrimoines de fait entre les deux époux. L’étendue de cette communauté et les règles y applicables sont fixées via le régime matrimonial, composé de deux parties, à savoir le régime primaire et le régime secondaire.

II. Régime primaire

A. Généralités

Il s’agit d’une réglementation des droits et devoirs mutuels entre les époux ainsi que de leurs rapports avec les tiers. Il contient tant des dispositions de droit familial (p.ex. devoir de cohabitation) que des dispositions patrimoniales. Ci-après, nous verrons plus en détail ces dernières dispositions.

Il s’applique obligatoirement, quel que soit le régime matrimonial choisi pendant la durée complète du mariage (art. 212, al. 1 ancien C. civ.).

B. Dispositions patrimoniales

Art. 213 et 221 ancien C. civ.

1. Généralités

Le régime primaire contient un certain nombre de dispositions patrimoniales que l’on peut classer, selon l’objectif visé, comme suit :

Régime primaire – Dispositions patrimoniales

Objectif

Dispositions patrimoniales

Référence

Solidarité entre époux

  • Devoir de secours et de contribution
  • Emploi des revenus
  • Art. 213 et 221 ancien C. civ.
  • Art. 217 ancien C. civ.

Protection contre les actes de l’autre époux

  • Statut particulier du logement familial et des meubles meublants
  • Art. 215 ancien C. civ.

Maintien d’un certain degré d’indépendance

  • Exercice d’une profession
  • Perception des revenus
  • Affaires bancaires
  • Art. 216 ancien C. civ.
  • Art. 217 ancien C. civ.
  • Art. 218 ancien C. civ.

Protection des tiers

  • Responsabilité solidaire des dettes du ménage et de l’éducation des enfants
  • Art. 222 ancien C. civ.

2. Secours et contribution

Art. 213 et 221 ancien C. civ.

Principe

Les époux se doivent mutuellement secours et doivent se procurer ce qui est nécessaire, ce qui signifie qu’ils doivent partager le même niveau de vie (Cass., 02.06.1978). À côté de cela, chaque époux doit contribuer aux charges du mariage selon ses capacités.

Précision Par « charges du mariage », on comprend toutes les dépenses de la vie de tous les jours effectuées dans l’intérêt de la famille telles que le logement, l’habillement, l’alimentation, les loisirs, le soin et l’éducation des enfants, etc. (Cass., 29.11.1968).

Mise en œuvre

Les deux devoirs sont en principe remplis par les contributions financières (revenus du travail ou du capital), les efforts individuels (p.ex. faire le ménage, s’occuper des enfants, assister l’autre époux dans l’exercice de sa profession) (Cass., 22.04.1976) ou par la mise à disposition de biens personnels (p.ex. l’utilisation d’un immeuble propre comme logement familial) (Cass., 20.01.1977).

Précisions a. Les époux peuvent, dans certaines limites, convenir de la portée de leur obligation de contribution (par exemple, chacun d’eux doit contribuer un montant déterminé ou un pourcentage de son salaire).

b. L’époux qui invoque l’obligation d’assistance ou de contribution n’a pas besoin de démontrer qu’il est dans le besoin (Cass., 02.06.1978).

c. En cas de divorce, l’obligation d’assistance peut éventuellement être temporairement convertie en une obligation alimentaire (pension alimentaire), si l’un des époux est dans le besoin (art. 301, §2 ancien C. civ.).

Emploi des revenus

Il résulte du devoir de secours et de contribution que chaque époux ne peut pas dépenser ses revenus à sa guise mais doit d’abord les utiliser pour contribuer aux charges du mariage et pour assurer un niveau de vie équivalent à l’autre époux. Ensuite, ceux-ci doivent être utilisés pour l’acquisition de biens qui sont justifiés pour l’exercice de la profession. L’éventuel solde appartiendra au patrimoine propre ou commun, en fonction du régime matrimonial applicable (art. 217 ancien C. civ.).

Précision Chaque époux peut simplement percevoir des revenus tout seul (p.ex. les faire verser sur un compte bancaire à son nom) (art. 217, al. 1 ancien C. civ.).

3. Protection du logement familial et de son mobilier

Logement familial

En principe, aucun époux ne peut disposer entre vifs à titre onéreux ou gratuit de ses droits sur le logement familial, sauf moyennant l’accord de l’autre époux. Par dérogation, si l’époux, dont l’accord est requis, le refuse sans motifs graves, l’autre époux peut se faire autoriser par le juge à passer seul l’acte.

Précisions a. La protection ne vaut que pour un bien immobilier. Une roulotte ou une péniche d’habitation n’entrent donc pas en considération (art. 215, al. 1 ancien C. civ.).

b. Le logement familial est le logement où on habite effectivement avec sa famille, et ne correspond donc pas nécessairement au domicile officiel. Les résidences secondaires et similaires ne sont donc pas protégées (Cass., 29.04.2011).

c. S’il s’agit d’un logement familial que l’on loue, les deux époux ont alors un droit égal et indivisible sur le loyer nonobstant toute convention contraire (art. 215, §2, al. 1 C. civ. ; Cass., 06.10.1978).

Mobilier

Les meubles meublants qui se trouvent dans le logement familial jouissent de la même protection que le logement familial.

Précisions a. Par « meubles meublants », on comprend les biens meubles qui servent à l’usage et à l’ornement des pièces et appartiennent au cadre normal de vie des époux (meubles, miroirs, tableaux, radio, télévision, etc.).

b. Les collections d’objets d’art, les objets précieux ou les collections qui se trouvent dans le logement familial ne doivent pas être considérés comme « meubles meublants » lorsqu’ils ont une valeur de biens de placement ou d’investissement (Gand, 17.09.2008).

4. Autres

Ménage et éducation des enfants

En principe, les époux sont solidairement tenus au paiement des dettes du ménage et des dettes relatives à l’éducation des enfants. Toutefois, il n’est pas question d’obligation solidaire lorsque les dettes contractées sont excessives eu égard aux moyens de la famille (art. 222 ancien C. civ.).

Précisions a. Par « dettes du ménage », on entend notamment l’achat de produits alimentaires, les charges locatives, les frais d’équipements et les frais pour soins médicaux (Trib. Bruges, 14.04.2015).

b. Par « dettes pour l’éducation des enfants », on entend les frais d’éducation et de formation de tous les enfants qui sont élevés dans la famille, peu importe qu’ils soient communs ou non (Trib. Hasselt, 19.12.2011).

c. En cas de séparation de fait, la solidarité peut encore être invoquée par un tiers qui n’en était pas informé (Cass., 15.10.1999).

Exercice d’une profession

En principe, chaque époux a le droit d’exercer une profession sans l’accord de l’autre époux. Toutefois, si un préjudice sérieux à ses intérêts moraux ou matériels ou ceux des enfants est lié à l’exercice de cette profession, l’autre époux a un droit de recours (p.ex. si l’époux exerce une profession impliquant des risques financiers ou physiques). Le juge peut dans ce cas interdire la profession concernée ou la subordonner à la modification préalable du régime matrimonial (art. 216 ancien C. civ.).

Précision Il n’y a pas de recours possible à l’exercice de mandats publics (p.ex. siéger au conseil communal ou au parlement) par l’autre époux. On a bel et bien un droit de recours contre un fonctionnaire public (p.ex. un fonctionnaire de police, un magistrat) (art. 216, al. 4 ancien C. civ.).

Affaires bancaires

Chaque époux peut, sans l’accord de l’autre, ouvrir à son nom un compte de dépôt de sommes ou d’effets ou louer un coffre-fort (art. 218 ancien C. civ.).

Précision Le dépositaire (du compte de dépôt) et le loueur (du coffre-fort) doivent en informer l’autre époux (art. 218, al. 3 ancien C. civ.).

III. Régime secondaire

A. Généralités

À côté du régime primaire, qui règle seulement un nombre limité de rapports patrimoniaux, il existe aussi un régime secondaire étendu (le régime matrimonial). Il a pour objet les conséquences patrimoniales restantes. La loi prévoit une réglementation complète élaborée (le « régime légal ») qui n’est pas obligatoirement applicable. Ainsi, les époux peuvent éventuellement et dans certaines limites élaborer un régime propre répondant le mieux à leurs besoins.

B. Régime légal

Art. 2.3.16-2.3.51 C.civ.

1. Généralités

Art. 2.3.16-2.3.51 C.civ.

Notions

Le régime légal se compose de trois patrimoines : le patrimoine propre d’un époux, le patrimoine propre de l’autre époux et un patrimoine commun (art. 2.3.16 C. civ.). Le régime légal est une communauté d’acquêts. Le système légal affirme l’idée de partenariat entre les époux et opte pour la mise en commun des gains provenant des biens que les époux accumulent ensemble pendant le mariage.

Champ d’application

Il a la fonction de droit subsidiaire, ce qui signifie qu’il est seulement d’application quand les époux n’ont pas conclu de convention matrimoniale ou n’ont pas (complètement) réglé certains aspects (art. 2.3.12 C. civ.).

Début et fin

Il prend effet à partir de la célébration du mariage et prend fin en cas de (art. 2.3.10 et 2.3.41 C. civ.) :

  • décès ;
  • divorce et séparation de corps ;
  • passage vers un autre régime matrimonial ;
  • séparation judiciaire des biens.

2. Étendue des patrimoines

a. Patrimoine propre

Tant les biens et les droits (actif) que les dettes (passif) du patrimoine propre peuvent être divisés en deux grandes catégories, à savoir ceux qui sont propres de par leur origine et ceux qui sont propres de par leur nature.

Patrimoine propre – Propres par leur origine

Actif (art. 2.3.17 C. civ.)

Passif (art. 2.3.23 C. civ.)

  • Biens reçus avant le mariage*
  • Biens reçus au cours du mariage (donation ou succession)**
  • Dettes nées avant le mariage*
  • Dettes grevant les actifs non acquis pendant le mariage**

* La date à laquelle le droit naît est déterminante.

** Sauf stipulation expresse du donateur ou testateur que ceux-ci appartiennent au patrimoine commun.

Exemples

  • Un bien acheté sous condition suspensive avant le mariage est propre par son origine, même si la condition se réalise pendant le mariage ;
  • Une obligation alimentaire au profit d’un conjoint d’un précédent mariage est propre par son origine, même si celle-ci est versée (partiellement) durant un second mariage (Cass., 27.05.1991).

Patrimoine propre – Propres par leur nature

Actif (art. 2.3.18-2.3.19 C. civ.)

Passif (art. 2.3.24 C. civ.)

Biens étroitement liés à un autre bien (accessoires)

Contractuel

  • L’accessoire des biens propres ou droits propres (accession)* ;
  • Les biens cédés à l’un des époux par un de ses ascendants, soit pour le remplir de ce qui lui est dû, soit à charge de payer une dette de l’ascendant envers un tiers ;
  • La part acquise par l’un des époux dans un bien dont il est déjà copropriétaire ;
  • Les biens et droits qui, par l’effet d’une subrogation réelle, remplacent des propres, ainsi que les biens acquis en emploi ou en remploi** ;
  • la valeur de rachat nette exigible, au moment de la dissolution du régime, liée à un contrat d’assurance sur la vie individuel qui a été conclu par un des époux pendant le régime, lorsque la prestation d’assurance n’est pas due à la dissolution du régime ;
  • la prestation d’assurance liée à un contrat d’assurance sur la vie individuel qui a été conclu par un des époux pendant le régime, et qui est due au profit de cet époux à la dissolution du régime.

* Les fruits (p.ex. revenus de loyer, dividendes, etc.) ne sont pas accessoires et appartiennent en principe au patrimoine commun (art. 2.3.22 C. civ.).

** Il s’agit seulement de remploi immobilier s’il y a déclaration expresse dans l’acte d’achat et paiement de plus de la moitié au moyen de fonds propres (art. 2.3.21, al.1 C. civ.). Il s’agit de remploi mobilier lorsqu’il est établi que l’acquisition de biens meubles a été payée à concurrence de plus de la moitié, au moyen de fonds ou du produit de l’aliénation d’autres biens dont le caractère de propre est démontré.

  • Dettes contractées par l’un des époux dans l’intérêt exclusif de son patrimoine propre ;
  • Dettes résultant d’une sûreté personnelle ou réelle donnée par un des époux dans un intérêt autre que celui du patrimoine commun.

Biens étroitement liés à la personne (biens strictement personnels)

(Quasi-)délictuel

  • Vêtements et objets à usage personnel* ;
  • Droit de propriété littéraire, artistique ou industrielle** ;
  • Le droit à réparation d’un préjudice corporel ou moral personnel** ;
  • Le droit aux pensions, rentes viagères ou allocations de même nature, dont un seul des époux est titulaire** ;
  • Les droits résultant de la qualité d’associé liés à des parts ou actions de société acquises avec des fonds communs et qui ont été inscrites au nom d’un des époux, en ce compris le droit d’agir en tant que propriétaire de ces parts ou actions, pour autant qu’il s’agisse soit d’une société qui est soumise à des règles légales ou statutaires, ou à des conventions entre actionnaires, qui restreignent la cession des parts ou actions, soit d’une société au sein de laquelle seul cet époux exerce son activité professionnelle en tant que gérant ou administrateur;
  • le droit aux biens qu’un époux utilise exclusivement pour l’exercice de sa profession ou l’exploitation de son entreprise, en ce compris le droit d’agir en tant que propriétaire de ces biens professionnels, à moins que les époux n’exercent ensemble cette profession ou n’exploitent ensemble cette entreprise ;***
  • le droit à la clientèle, en ce compris le droit d’agir en tant que propriétaire de la clientèle, à moins que la clientèle n’ait été constituée dans le cadre d’une profession que les époux exercent ensemble ou d’une entreprise qu’ils exploitent ensemble ;****
  • l’indemnité payée à un époux en réparation d’un dommage, dans la mesure où cette indemnité vise à réparer son incapacité personnelle, qui concerne les conséquences non économiquement quantifiables de l’atteinte à son intégrité physique et psychique dans sa vie quotidienne.

* Les objets à usage personnel (p.ex. diplômes, photos, souvenirs de famille, bijoux, etc.) sont par contre considérés comme communs lorsque, compte tenu du niveau de vie des époux, ils doivent être plutôt considérés comme objets d’investissement que comme objets d’usage (Bruxelles, 20.11.2007 ; Anvers, 03.10.2012).

** Seul le droit même (p.ex. droit d’auteur sur une œuvre littéraire) appartient au patrimoine propre. La valeur patrimoniale appartient en principe au patrimoine commun (Anvers, 10.01.2007 ; Gand, 05.11.2007).

*** Seul le droit sur les biens professionnels appartient au patrimoine propre. La valeur patrimoniale appartient au patrimoine commun si les biens professionnels ont été financés, à concurrence de plus de la moitié, par des fonds communs.

**** Seul le droit fait partie du patrimoine propre. La valeur patrimoniale fait partie du patrimoince commun.

  • Dettes provenant de l’exercice d’une profession interdite ou d’actes interdits réalisés par un des époux* ;
  • Dettes résultant d’une condamnation pénale ou d’un acte illicite prononcé ou à l’encontre de ou commis par un des époux**.

* Les revenus qu’un époux recevrait de l’exercice d’une profession interdite sont par contre bien communs.

** Il peut s’agir d’une condamnation (pénale, civile, ou fiscale), d’un arrangement amiable, d’un recouvrement sans condamnation ou d’une transaction (Cass., 07.12.1983).

b. Patrimoine commun

Le patrimoine commun comprend les acquêts. Il n’existe pas de véritable définition juridique. La doctrine définit la notion d’acquêts comme « l’ensemble des biens acquis par les époux pendant le mariage et à titre onéreux ». Il s’agit des économies réalisées par les époux sur leurs revenus pendant le mariage et des biens acquis avec ces économies ou ces revenus. Le régime légal prévoit une présomption (réfutable) de communauté de biens (art. 2.3.22, §3 et art. 2.3.25, §2 C. civ.). Cette présomption s’applique à tous les types de biens. Ceci n’est pas anodin. Par exemple, pour les époux mariés sous un régime de communauté de biens, il est présumé que le compte bancaire au nom de l’un des époux contient de l’argent commun. Un bien n’est propre que si :

  • la loi décide expressément qu’il est propre ; ou
  • un époux peut démontrer le caractère propre.

Dans un souci de clarté, les catégories suivantes sont explicitement mentionnées dans la loi.

Patrimoine commun

Actif (art. 2.3.22 C. civ.)

Passif (art. 2.3.25 C. civ.)

  • Revenus de l’activité professionnelle* ;
  • Fruits, revenus et intérêts des biens propres ;
  • Dons et legs aux deux époux ;
  • L’indemnité payée à un époux en réparation d’un dommage, dans la mesure où cette indemnité vise à réparer son incapacité ménagère ou économique durant le régime ;
  • La valeur patrimoniale des parts ou actions de société visées à l’article 2.3.19, § 1er, 5° C civ.;
  • La valeur patrimoniale des biens professionnels qui ont été acquis par un des époux avec des fonds communs, si le droit à ces biens professionnels est propre en vertu de l’article 2.3.19, § 1er, 6° C. civ. ;
  • La valeur économique de la clientèle qui a été constituée pendant le régime par un des époux dans le cadre de l’exercice de sa profession ou de l’exploitation de son entreprise, si le droit à cette clientèle est propre en vertu de l’article 2.3.19, § 1er, 7° C. civ. ;
  • La prestation d’assurance liée à un contrat d’assurance sur la vie individuel qui a été conclu par un des époux pendant le régime, lorsqu’elle est due à un des époux pendant le régime. Si la prestation est versée sous forme de capital, la totalité de son montant est commune. Si la prestation est payée sous la forme d’une rente, sont communs les montants de la rente payés pendant le régime ainsi que la réserve qui correspond aux rentes encore dues après la dissolution du régime.

* Par revenus de l’activité professionnelle, on entend tous les revenus ou indemnités de remplacement (p.ex. allocations de chômage, allocations d’invalidité) ou allocations complémentaires (p.ex. assurance groupe) (CC, n° 136/2011, 27.07.2011).

  • Dettes contractées par les deux époux en la même capacité ;
  • Dettes contractées par un des époux pour les besoins du ménage* et de l’éducation des enfants** ;
  • Dettes contractées par un des époux dans l’intérêt du patrimoine commun ;
  • Dettes grevant les libéralités faites aux deux époux conjointement ;
  • Intérêts qui sont l’accessoire des dettes propres à l’un des époux ;
  • Dettes alimentaires envers les enfants** qui ne sont pas élevés dans le logement familial ;
  • Dettes alimentaires envers les (beaux-)parents

* Il ne s’agit en principe d’une dette du ménage que pour autant qu’il existe encore un ménage effectif. Néanmoins, les tiers peuvent supposer de bonne foi qu’un ménage existe entre les époux et n’ont aucun devoir d’investigation en cas de séparation de fait ou non (Cass., 15.10.1999 ; 28.11.2003).

** Peu importe que les enfants soient communs ou non.

Revenus professionnels dans la société

Comme indiqué ci-dessous, les revenus professionnels font partie du patrimoine commun. Un époux qui exerce sa profession via une société peut toutefois en un certain sens décider du montant de revenus professionnels que sa société lui octroie et peut donc de cette manière, garder des revenus dans sa société et ainsi les soustraire à la communauté conjugale.

Depuis le 1er septembre 2018, l’époux lésé peut dans ce cas réclamer une indemnité (art. 2.3.44 C. civ.) à condition qu’il puisse fournir la preuve :

  • qu’il s’agit d’actions qui appartiennent au patrimoine propre de l’autre époux;
  • que la communauté conjugale n’a pas perçu de revenus (rémunérations, dividendes, tantièmes, etc.) qu’il qu’elle aurait dû raisonnablement percevoir.

L’autre époux peut fournir la preuve contraire en argumentant que le bénéfice a été réservé dans la société pour des raisons importantes.

Précisions a. Des raisons importantes sont par exemple la gestion du risque d’entreprise ou la garantie de la solvabilité de la société.

b. Vu qu’il s’agit d’un nouveau régime, la pratique devra encore démontrer dans quelle mesure l’époux lésé peut invoquer cette disposition. La marge d’appréciation du juge semble très importante, ce qui pourra créer une certaine incertitude en la matière.

3. Droits des créanciers

Principe

Les dettes propres ne peuvent être poursuivies que sur le patrimoine propre de l’époux-débiteur et ses revenus (art. 2.3.26, § 1 C. civ.). Les dettes communes peuvent être poursuivies sur le patrimoine propre de chacun des époux et sur le patrimoine commun (art. 2.3.28 C. civ.).

Exceptions

Le droit de recours est dans les cas suivants étendu (dettes propres) ou au contraire limité (dettes communes).

Dettes propres – Extension du droit de recours

Dettes concernant

Droit de recours

Des biens reçus par donation ou succession

Patrimoine propre de l’époux-débiteur + patrimoine commun dans la mesure où il s’est enrichi (art. 2.3.26, §2-3 C. civ.)*

L’exercice d’une profession interdite

Un acte juridique qu’un époux a abusivement posé sans l’accord de l’autre époux ou sans autorisation de justice

Une condamnation pénale

Patrimoine propre de l’époux-débiteur + la moitié de l’actif net du patrimoine commun (art. 2.3.26, §4 C. civ.)**

*Le créancier ne doit ici respecter aucun ordre obligatoire.

**Le créancier doit d’abord poursuivre le patrimoine propre du débiteur.

Dettes communes – Limitation du droit de recours

Type de dette

Droit de recours

Dettes excessives du ménage et de l’éducation des enfants

Patrimoine propre de l’époux-débiteur + le patrimoine commun (art. 2.3.28 C. civ.)**

Intérêts des dettes propres

Dettes contractées dans l’exercice de la profession (profession non-interdite)*

Dettes alimentaires envers les enfants non communs et les petits-enfants qui ne sont pas élevés dans le logement familial

*Les dettes fiscales sont toujours entièrement communes et donc recouvrables sur le patrimoine propre de l’autre époux (Cass., 27.05.1999).

**Le créancier ne doit ici respecter aucun ordre obligatoire.

C. Régimes conventionnels

1. Généralités

Principe

Les époux ne sont pas obligés de se marier sous le régime légal. On peut ainsi, via une convention matrimoniale, concevoir un régime sur mesure qui répond au mieux aux besoins des époux.

Établissement de la convention matrimoniale

Celle-ci doit être établie par acte notarié avant le mariage, mais les deux époux peuvent modifier leur régime matrimonial pendant le mariage, même s’ils n’avaient autrefois fait aucune convention matrimoniale (art. 2.3.6 C. civ.)

Application

Il est applicable entre les époux à partir de la célébration du mariage (ou immédiatement si on est déjà marié), sauf convention contraire (art. 2.3.10 C. civ.). Toutefois, il n’est opposable aux tiers qu’à partir de l’enregistrement dans le Registre central des conventions de mariage, à moins que les époux ne les en aient informés (art. 2.3.82 C. civ.).

Contenu

La convention matrimoniale doit contenir certaines mentions obligatoires : date de la convention matrimoniale, nom et lieu du notaire instrumentant et régime matrimonial choisi. Pour le reste, on est totalement libre, à condition de ne pas conclure des dispositions (art. 2.3.1-2.3.2 C. civ.) :

  • contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ;
  • contraires aux dispositions du régime primaire ;
  • dérogeant aux règles déterminant l’ordre légal des successions ;
  • dérogeant aux règles de droit impératif.

Précision Une modification sur requête unilatérale est possible si l’époux demandeur démontre que ses intérêts patrimoniaux ont été mis en péril (p.ex. si l’autre époux dissipe ses revenus) (art. 2.3.78, §1 C. civ.).

Régimes possibles

Deux régimes alternatifs sont prévus par la loi, à savoir un régime de communauté et un régime de séparation des biens. Le choix des époux n’est cependant pas limité à ceci. On peut p.ex. ainsi choisir le régime légal et y ajouter quelques clauses, ou même prévoir un nouveau régime complet.

Précision Le régime légal n’est ici en principe pas totalement mis à l’écart. Il remplit le rôle de droit subsidiaire pour toutes les dispositions auxquelles il n’est pas explicitement dérogé dans la convention matrimoniale (art. 2.3.12 C. civ.).

2. Régime de communauté

Art. 2.3.53-2.3.60 C. civ.

a. Généralités

Art. 2.3.53-2.3.60 C. civ.

Il s’agit d’un régime qui est basé sur le régime légal mais où le patrimoine commun est étendu ou limité Outre les clauses relatives à la composition des patrimoines, des clauses relatives à la liquidation et au partage du régime matrimonial peuvent également être envisagées. Ces clauses sont examinées plus en détail.

b. Apport dans le patrimoine commun

Notion

Il s’agit d’un transfert, total ou partiel, de biens propres vers le patrimoine commun. En principe, tous les biens peuvent être transférés, à l’exception des (art. 2.3.53-2.3.54 C. civ.) :

  • biens futurs reçus autrement que par donation ou succession ;
  • biens propres de par leur nature.

Précisions a. Les dettes seront à charge du patrimoine commun en proportion des biens devenus communs, nonobstant toute clause contraire (art. 2.3.53, §3 C. civ.).

b. Les biens apportés peuvent en principe être repris lors du partage, pour autant que ceux-ci soient encore existants en nature (art. 2.3.53, §4 C. civ.).

c. Seul un droit fixe général de 50 € est dû sur l’apport de biens mobiliers et immobiliers.

d. L’apport est souvent soumis à une condition résolutoire de liquidation du régime matrimonial suite à un divorce ou décès. Dans ce cas, seul le droit fixe général de 50 € sera levé (et non pas le droit de partage de 1 % ou 2,50 %).

e. Afin d’anticiper un mariage, il est possible depuis le 1er septembre 2018 d’insérer une clause avantageuse dans l’acte d’achat : la clause d’apport anticipé (art. 2.3.53, §2 C. civ.). Cette clause concerne les partenaires, cohabitants de fait ou cohabitants légaux, qui ont acheté un bien ensemble avant de se marier. Dans ce cas, on peut prévoir, dans l’acte d’achat - s’il s’agit d’un achat en pleine propriété (c’est-à-dire ne portant pas uniquement sur l’usufruit ou la nue-propriété) et par parts égales (50/50) - une déclaration d’apport anticipé. Le notaire inscrit celle-ci au registre central des conventions matrimoniales. Grâce à cette clause, le bien sera, au moment du mariage, automatiquement intégré dans le patrimoine commun. L’apport ne devra donc plus être prévu par contrat de mariage, ce qui, dans certains cas, permettra d’éviter des coûts supplémentaires pour les couples.

Forme et importance

L’apport peut, suivant l’importance des biens apportés, prendre diverses formes. On peut ainsi apporter tous les biens (apport à titre universel) ou une certaine quotité (p.ex. tous les biens mobiliers ou immobiliers, une certaine fraction, etc.) (apport à titre particulier). On peut également apporter quelques biens spécifiquement déterminés (apport particulier). Enfin, on peut limiter son apport à un certain montant, à condition que la valeur des biens apportés soit indiquée (art. 2.3.53, §5 C. civ.).

Précision Si les apports sont réciproques (par les deux époux) et universels (tous les biens sont apportés) et qu’ils portent sur des biens présents et futurs, on parle alors du régime de communauté universelle (art. 2.3.54 C. civ.).

Exemple

Une dame apporte le terrain qu’elle a reçu de ses parents dans le patrimoine commun, avec pour objectif d’y construire une maison avec son mari.

c. Exclusion du patrimoine commun

Une clause d’exclusion vise à limiter l’étendue du patrimoine commun. La clause d’exclusion des revenus des biens propres est assez courante. En effet, dans le régime légal, les revenus des biens propres tombent dans le patrimoine commun. Or, les revenus professionnels sont tellement essentiels dans un système communautaire qu’ils doivent de toute façon entrer dans le patrimoine commun.

Le retrait vise également à limiter la taille du patrimoine commun. Le retrait d’un bien de la communauté matrimoniale pour l’attribuer comme bien propre aux époux ou à l’un d’entre eux suppose une modification de la convention matrimoniale. L’apport peut être symétrique ou asymétrique. Comme l’apport, le retrait de biens peut également être assorti de différentes conditions et modalités.

Le retrait de biens mobiliers n’est pas soumis au droit d’enregistrement. Lors du retrait de biens immobiliers de la communauté matrimoniale, un droit de partage (1 % ou 2,50 % en Région flamande) est dû si plus de la moitié des biens immobiliers est attribuée à l’un des conjoints. Selon l’Administration, il y a donation à concurrence de la moitié des biens acquis lorsque le retrait des biens du patrimoine commun est effectué en faveur des fonds propres de l’un des deux époux (décision n° E.E./103.994 du 21.02.2011, Rep. RJ, S7/16-01).

3. Séparation de biens

a. Généralités

Art. 2.3.61-2.3.81 C. civ.

Notion

Il s’agit d’un régime constitué de deux patrimoines : le patrimoine propre d’un époux et le patrimoine propre de l’autre époux. Lorsque les époux achètent un bien ensemble, la propriété de celui-ci est en principe divisée à 50/50, sauf stipulation contraire.

Objectif

On opte en général pour ce régime pour les raisons suivantes :

  • les époux veulent que leurs patrimoines et revenus ne soient pas confondus afin qu’ils puissent chacun édifier un patrimoine propre ;
  • la volonté de protéger le patrimoine d’un époux contre les créanciers de l’autre époux (p.ex. lorsqu’un des époux exerce une profession indépendante).

b. Actif

On doit faire une distinction selon que les biens sont la propriété exclusive d’un des époux ou non.

Propriété exclusive

Chaque époux reste propriétaire de ce qu’il possédait avant le mariage et de ce qu’il reçoit pendant le mariage (p.ex. revenus professionnels, revenus locatifs d’un bien immobilier propre), peu importe la manière dont il reçoit (à titre onéreux ou non) (art. 2.3.61 C. civ.).

Précision En pratique, on note toutefois souvent que les époux ne tiennent pas des patrimoines et revenus séparés. Ainsi p.ex. les revenus professionnels ou locatifs arrivent sur un compte commun, les patrimoines ne sont pas gérés distinctement, etc. Apparait dans ce cas un mélange, suite auquel on ne peut plus parler de propriété exclusive mais de propriété partagée.

Propriété partagée

Les biens sur lesquels les deux époux peuvent faire valoir des revendications (p.ex. le logement familial acheté ensemble) forment une indivision volontaire ou voulue dans laquelle la part des époux est présumée égale (art. 3.69 C. civ.). Les époux peuvent déterminer eux-mêmes les règles applicables à cette indivision. Cette dernière est soumise à une totale liberté contractuelle, sauf en ce qui concerne le mode de cessation de l’indivision (art. 3.77 C. civ.). Si l’indivision volontaire est stipulée pour une durée indéterminée, elle peut être résiliée en respectant un délai de préavis raisonnable (art. 3.77, al. 3 C. civ).

Précision Les biens mobiliers dont on ne peut pas démontrer qu’ils sont la propriété d’un des époux, sont considérés comme appartenant aux deux en indivision (art. 2.3.62 C. civ.).

c. Passif

En principe, les dettes qu’un époux a contractées, avant ou pendant le mariage, sont personnelles. Par exception, sont communes, les dettes :

  • que les deux époux ont contractées ensemble (art. 5.159 C. civ.) ;
  • auxquelles les deux époux sont solidairement liés (art. 5.170-5.171 C. civ.) ;
  • du ménage et de l’éducation des enfants (art. 222 ancien C. civ.).

Droits des créanciers

En principe, ceux-ci peuvent uniquement poursuivre le patrimoine du conjoint-débiteur, et sa part dans les biens indivis (Gand, 05.09.2007). Pour les dettes communes, on peut cependant poursuivre les deux époux, pour leur part (dettes contractées conjointement) (art. 5.159 C. civ.) ou pour la totalité (dettes solidaires et dettes pour le ménage et l’éducation des enfants) (art. 222 ancien C. civ. et 5.170-5-171 C. civ.).

d. Clause de compensation

Généralités

Le principal inconvénient du système de séparation de biens réside dans les conséquences d’une rupture de la relation entre les époux à la suite d’un divorce. Il est parfois opportun d’intégrer un certain degré de solidarité dans la séparation des biens. Il est possible de remédier à une éventuelle injustice, en particulier quand un des époux ne travaille pas ou seulement à temps partiel (p.ex. pour s’occuper du ménage ou des enfants). Pour remédier à cela, plusieurs corrections issues de la pratique juridique peuvent être mises en place. La plus connue est sans doute la clause de participation aux acquêts (clause de compensation), dont la validité est de manière générale acceptée.

Depuis le 1er septembre 2018, cette technique est expressément reprise dans la loi (art. 2.3.64 e.s. C civ.). Cette clause prévoit qu’en cas de divorce et/ou décès, une compensation doit avoir lieu. Un régime clair a été élaboré dans la loi mais les époux sont libres de déroger à ce régime.

Précisions a. Le notaire doit obligatoirement informer les époux qui veulent opter pour le régime de séparation de biens de la possibilité d’ajouter une clause de participation aux acquêts à leur convention matrimoniale. L’objectif est d’informer et de sensibiliser les époux quant au risque de conséquences inéquitables possibles suite à ce régime (art. 2.3.81, §2 C. civ.).

b. La séparation de biens avec clause de compensation est aussi appelé le quatrième régime matrimonial.

Masse à partager

Notion 

Il s’agit des biens et/ou des revenus qui seront liquidés. Dans le régime légal, la compensation porte sur tous les acquêts durant le mariage.

Afin de pouvoir distinguer ces acquêts des autres éléments du patrimoine, il est important que le patrimoine originaire (en principe lors de la conclusion de la convention matrimoniale) et le patrimoine final (en principe lors de la fin du mariage) soient bien définis.

Patrimoine originaire 

Il s’agit du patrimoine de chacun des époux à la date à laquelle le régime matrimonial prend effet. Toutes les dettes sont prises en considération, même si celles-ci excèdent le montant de l’actif (art. 2.3.66 C. civ.). Le patrimoine originaire peut donc être négatif.

Les biens et droits que chacun des époux acquiert plus tard par donation ou héritage font aussi partie de ce patrimoine originaire.

Ne font toutefois pas partie du patrimoine originaire :

  • les fruits des biens qui composent ce patrimoine ;
  • les biens du patrimoine originaire qu’un époux a donnés durant le mariage à un de ses parents en ligne directe.

Précisions a. En ce qui concerne l’évaluation de la valeur du patrimoine originaire, il faut distinguer les biens mobiliers et les biens immobiliers (art. 2.3.67 C. civ.) :

Pour les biens mobiliers, on prend en compte la valeur de ces biens à la date de l’entrée en vigueur de la convention matrimoniale. Pour les biens qui sont obtenus plus tard, on prend en compte la date de leur acquisition.

Pour les biens immobiliers et les droits réels immobiliers du patrimoine originaire, autres que l’usufruit et le droit d’usage et d’habitation, on prend en compte la valeur à la date de la dissolution du régime. Si ces biens sont cédés ou remplacés durant le mariage, on prend alors en compte la valeur à la date de la cession ou du remplacement. Les modifications de leur état entreprises au cours du mariage ne sont pas prises en compte dans l’évaluation du patrimoine originaire. Les éventuelles dettes sont évaluées de manière analogue.

b. Si aucun inventaire n’a été établi, le patrimoine originaire est présumé nul (art. 2.3.66, §5 C. civ.).

Patrimoine final 

Il s’agit des biens appartenant à l’époux à la date de la dissolution du régime. Toutes les dettes sont également prises en considération (art. 2.3.68, §1 C. civ.). Le patrimoine final peut donc être négatif.

Les biens qu’un époux a donnés, a cédés dans le but de léser l’autre époux, a dissipés font aussi en principe partie du patrimoine final, sauf si la donation, l’aliénation frauduleuse ou la dissipation est intervenue plus de dix ans avant la dissolution du régime matrimonial ou si l’autre époux y a consenti (art. 2.3.68, §2 C. civ.).

Précision Le patrimoine final est, tant pour l’actif et le passif, évalué à la date de la dissolution du régime matrimonial (art. 2.3.69 C. civ.).

Créance de participation

Généralités 

Si en cas de dissolution du régime matrimonial, les acquêts d’un des époux dépassent ceux de l’autre, ce dernier peut alors faire valoir à l’égard de son époux une créance de participation. Cette créance de participation est égale à la moitié de la différence, de sorte que l’équilibre est rétabli (art. 2.3.70 C. civ.).

Précisions a. Si la créance de participation prend naissance suite au décès d’un des époux, celle-ci fait alors partie de la succession (art. 2.3.70 C. civ.).

b. Le droit à la créance de participation se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle l’époux a connaissance de la dissolution du régime matrimonial, et au plus tard dix ans après la dissolution du régime (art. 2.3.73 C civ.).

c. Il y a un devoir d’information entre époux. Après la dissolution du régime matrimonial, chacun des époux a l’obligation de fournir à l’autre époux toutes informations sur la composition de ses patrimoines originaire et final. Sur demande, il doit présenter des justificatifs (art. 2.3.74 C. civ.).

d. La créance de participation est considéré comme un avantage matrimonial qui est conclu à titre onéreux. Il ne s’agit donc pas ici d’une donation, dès lors les dispositions en matière de rapport et/ou de réduction ne sont en principe pas non plus applicables. Toutefois, s’il y a des beaux-enfants, tout ce que le conjoint survivant perçoit de plus que son propre rapport et la moitié des acquêts est considéré comme une donation.

Exemple

Les époux conviennent qu’en cas de dissolution de leur mariage, ils feront le compte de toutes leurs économies qu’ils ont réalisées sur leurs revenus professionnels. Après 10 ans de mariage, ils décident de divorcer et le décompte est effectué. À ce moment-là, monsieur a économisé 50 000 € et madame 130 000 €. Le décompte se fait dès lors comme suit : ensemble, ils ont acquis 180 000 €. Chaque époux a dès lors droit à 90 000 €. Monsieur a dès lors une créance de 40 000 € sur madame.

Paiement 

La créance de compensation doit en principe être immédiatement payée en argent. Toutefois, pour des raisons d’équité, le juge peut :

  • décider que le paiement doit se faire par la transmission des biens du débiteur au créancier (art. 2.3.70 C. civ.) ;
  • octroyer un délai de paiement (art. 2.3.75 C. civ.).

Précisions a. Un délai de paiement peut être accordé si le règlement de la créance oblige le débiteur à céder un bien constituant son moyen de subsistance (art. 2.3.75 C. civ.).

b. La créance dont le paiement est différé, porte intérêts (art. 2.3.75, al.2 C. civ.).

c. En cas de délai de paiement, le juge peut imposer au débiteur la fourniture de sûretés (art. 2.3.75, al. 3 C. civ.).

e. Clause de correction en équité

Généralités

Depuis le 1er septembre 2018, il est possible d’insérer une clause de correction en équité dans la convention matrimoniale. Cette clause donne la possibilité au juge, en cas de désunion irrémédiable des époux, d’octroyer à l’époux moins fortuné une indemnité à charge de l’autre époux.

Cela n’est toutefois possible que lorsque les circonstances se sont modifiées défavorablement et de manière imprévue depuis la conclusion de la convention matrimoniale de sorte que le régime choisi entraînerait, au détriment de l’époux demandeur, des conséquences manifestement inéquitables, eu égard à la situation patrimoniale des deux époux (art. 2.3.81 C. civ.).

Étendue

Cette indemnité est limitée à maximum 1/3 de la valeur nette des acquêts conjugués des époux au moment de la dissolution du mariage, dont il faut ensuite déduire la valeur nette des acquêts personnels de l’époux demandeur (art. 2.3.81, §1 C. civ.).

Précisions a. Ce régime est applicable aux époux ayant contracté mariage depuis le 1er septembre 2018 ou à ceux qui étant déjà mariés au 1er septembre 2018 ont effectué un changement de leur régime matrimonial qui a pour conséquence la dissolution de ce régime.

b. Le notaire attire l’attention des époux sur la possibilité d’une telle clause ainsi que sur les conséquences juridiques qui découlent de leur choix de l’insérer ou non (art. 2.3.81, §2 C. civ.).

D. Dissolution, liquidation et partage du patrimoine

1. Dissolution

a. Généralités

Il s’agit de la dissolution du régime matrimonial en raison (art. 2.3.41 C. civ.) :

  • du décès d’un des époux ;
  • du divorce ou de la séparation de corps ;
  • de la séparation de biens judiciaire ;
  • de l’adoption d’un autre régime matrimonial.

Si le régime matrimonial est dissous, il doit être liquidé, c’est-à-dire réglé et réparti si nécessaire.

b. Transformation du patrimoine en indivision

Généralités

Suite à la dissolution du régime matrimonial, ce dernier cesse de produire ses effets. Au moment de sa dissolution, la communauté matrimoniale devient une indivision, à laquelle s’appliquent les règles de droit commun de l’indivision occasionnelle (art. 3.69 - 3.75 C. civ.; Cass., 04.05.2001). On parle d’une indivision post-communautaire parce qu’elle apparaît après que la communauté a cessé de fonctionner.

Étendue

L’indivision se compose des biens et des dettes du patrimoine commun au moment de la dissolution du régime, et est établie au moyen d’un inventaire (art. 2.3.42 C. civ.). Elle peut, aussi longtemps qu’elle n’est pas divisée, subir des modifications, tant sur le plan de l’actif (p.ex. revenus locatifs) que sur le plan du passif (p.ex. frais d’entretien).

Précision La valeur de ces biens et dettes n’est définitivement établie qu’au moment du partage.

Cette indivision post-communautaire n’a pas vocation à durer. D’ailleurs, nul ne peut être contraint à rester dans l’indivision plus de 5 ans (art. 3.75 C. civ.).

2. Liquidation

Notion

Il s’agit de la fixation, à l’initiative d’un des époux (ou leurs héritiers), de leurs droits sur le patrimoine commun en vue de déterminer la quote-part de chacun. Pour ce faire, il faut connaître et évaluer la taille de la masse (active et passive), payer (régler) les dettes et calculer les droits des partenaires sur le résultat net. Après avoir calculé qui a droit à quoi, chaque participant peut recevoir quelque chose de la masse, en propriété exclusive. C’est alors le partage, qui met fin à l’indivision. Les deux étapes qui y conduisent, la liquidation suivie du partage, sont généralement désignées par une seule expression : la liquidation-partage.

Précision La liquidation n’est pas obligatoire. En cas de dissolution par divorce, elle aura en principe toujours lieu. Cependant, en cas de dissolution par décès, l’époux survivant poursuivra généralement l’indivision avec les enfants.

Méthode

La loi précise les opérations nécessaires pour réaliser la liquidation et le partage de la communauté dissoute. Toutefois, les parties peuvent déroger à chaque étape d’un commun accord.

Inventaire

Tout d’abord, il est nécessaire d’avoir une vue d’ensemble de la composition de la masse: les actifs et les passifs doivent être listés (art. 2.3.42 C. civ.).

Évaluation

Une valeur doit être attribuée à chaque élément de l’actif et du passif. En règle générale, la valeur n’est pas la valeur au moment de la dissolution, mais au moment du partage (Cass., 12.09.2008 ; Cass. 24.02.2011 ; Cass. 05.12.2013 ; Cass. 20.02.2015). Pour les actifs suivants, une évaluation au moment de la dissolution s’applique (art. 2.3.43, § 3 C. civ.):

  • la valeur patrimoniale des actions d’une société dont les droits résultant de la qualité d’associé sont propres;
  • la valeur patrimoniale de l’équipement professionnel dont le droit est propre;
  • la valeur économique de la clientèle si le droit à cette clientèle est propre.

Comptes de récompenses

Il s’agit d’un relevé des différents cas de récompense, pour des transferts d’avoirs nés pendant le mariage entre le patrimoine propre et le patrimoine commun (art. 2.3.43 C. civ.). Voici un aperçu des différents cas de récompenses possibles.

Cas de récompense (art. 2.3.44-2.3.47 C. civ.)

Patrimoine débiteur

Cas de récompense

Patrimoine propre (PP)

Une dette propre a été (partiellement) payée par le PC

Un époux a tiré personnellement avantage du PC

Le PC a subi un préjudice suite à un acte de gestion illicite d’un époux

Patrimoine commun (PC)

Chaque cas par lequel le PC a tiré avantage du PP

Précision Les transferts d’avoirs entre les patrimoines propres doivent être dédommagés par les patrimoines propres des époux et ne doivent par conséquent pas être repris dans le compte de récompenses (art. 2.3.51 C. civ.).

Le principe est que le montant de la récompense ne peut pas être inférieur à l’appauvrissement du patrimoine créancier. Cela vaut en principe comme un minimum absolu. En outre, il faut aussi dans certains cas tenir compte des éventuelles plus-values. Les éventuelles moins-values n’entrent pas en ligne de compte (art. 2.3.46 C. civ.).

Montant de la récompense

Situation

Montant de la récompense

Le bien se trouve encore en nature dans le patrimoine débiteur

Valeur du bien au moment de la dissolution du régime

Le bien a déjà été aliéné (et pas remplacé)

Valeur du bien au moment de l’aliénation*

Le bien a déjà été remplacé par un autre bien

Valeur de l’autre bien au moment de la dissolution du régime

*Si le bien a été vendu, il est alors en principe tenu compte du prix de vente. Si le bien n’a pas été aliéné, il faut alors en principe tenir compte de la valeur estimée au jour de l’aliénation.

Précisions a. Les récompenses portent intérêt de plein droit à partir du jour de la dissolution du régime (art. 2.3.46 al.3 C. civ.).

b. Le droit à la récompense peut être démontré par tous modes de preuve (art. 2.3.46, al.2 C. civ.).

c. Les époux peuvent déroger à ces dispositions et convenir d’une autre règle de récompense (art. 2.3.1 C. civ.).

Dès que les montants des récompenses réciproques au et du patrimoine commun sont fixés, un double système de comparaison de dettes prend effet. Une comparaison a ainsi lieu entre les récompenses du et au patrimoine propre de chaque époux. Et en outre, il y a une comparaison entre les récompenses dont chacun des époux est créancier ou débiteur à l’égard du patrimoine commun (art. 2.3.47 C. civ.).

Règlements des dettes

Les charges qui pèsent sur le patrimoine commun doivent ensuite être réglées et payées sur base de la hiérarchie suivante (art. 2.3.48 C. civ.) :

  • dettes privilégiées (p.ex. les frais d’obsèques et les frais de dernière maladie) ;
  • dettes hypothécaires (p.ex. pour le logement familial) ;
  • dettes communes parfaites (p.ex. pour le ménage) ;
  • dettes communes imparfaites (p.ex. dettes contractées dans l’exercice de la profession).

Précision Si une dette reste ouverte (p.ex. parce que le patrimoine commun était insuffisant ou parce que certaines dettes n’étaient pas encore exigibles), les créanciers peuvent alors toujours se faire rembourser par les époux après le partage (art. 2.3.50 C. civ.).

Règlement des récompenses

L’époux qui est encore redevable d’une récompense s’en acquitte, soit en moins prenant, soit par paiement à la masse à partager, pour un montant égal à celui de sa dette (art. 2.3.49 C. civ.).

Précisions a. En cas de prélèvement, un conjoint prend à l’avance, avec l’autorisation de l’autre époux (redevable de la récompense), un certain nombre de biens du patrimoine, avant le partage ultérieur. Ce prélèvement ne peut cependant porter préjudice au droit d’attribution préférentielle (art. 2.3.49, §2 C. civ.).

b. En moins prenant, l’époux redevable de la récompense reçoit moins de la communauté que l’autre époux (art. 2.3.49, §1 et 3 C. civ.).

c. Lorsque la communauté présente un déficit après le règlement des récompenses, l’époux créancier obtient une créance vis-à-vis de l’autre époux à concurrence de la moitié de la récompense due (art. 2.3.49, §4 C. civ.).

3. Partage

Le solde du patrimoine commun est en principe divisé, en nature, en deux moitiés, sous réserve de dispositions dérogatoires dans la convention matrimoniale (art. 2.3.50, §1 C. civ.). Les biens qui ne peuvent pas être divisés de manière juste (p.ex. si le patrimoine commun se compose presqu’exclusivement du logement familial), sont vendus ou éventuellement attribués à un des époux moyennant soulte (art. 1211 C. jud.).

Précision Les coûts (d’inventaire, d’entretien et de gestion des biens indivis, etc.) sont en principe aussi partagés par moitié entre les époux, qu’importe à qui le bien en question, pour lequel les coûts ont été supportés, a été attribué (art. 2.3.50, §4 C. civ.).

4. Clauses concernant la liquidation

Dans leur convention matrimoniale, les époux peuvent s’écarter, dans une certaine mesure, des règles de liquidation légales.

Comptes de récompenses

Les époux peuvent déroger à certains comptes de récompenses légaux dans leur convention matrimoniale. Ils peuvent inclure des règles spéciales sur les circonstances dans lesquelles le droit à une récompense spécifique peut ou non naître, sur la détermination de son montant, ou même sur le calendrier du versement des récompenses Toutefois, les époux ne peuvent pas renoncer totalement à la création d’un compte de récompenses.

Préciput

Il s’agit d’accorder au conjoint survivant, ou à l’un d’entre eux si il vit le plus longtemps, le droit de prélever une certaine partie de la communauté avant le partage. Ce qui reste dans le patrimoine commun est alors divisé en deux moitiés égales. Le préciput peut porter sur une certaine somme d’argent, sur certains biens en nature ou sur une quantité/pourcentage d’une certaine catégorie de biens (art. 2.3.55, §1 C. civ.).

Précisions a. Le préciput n’est en principe pas considéré comme une donation mais comme une convention matrimoniale (à titre onéreux). Les règles d’apport et de réduction ne s’appliquent donc pas en principe. Toutefois, il est considéré comme une donation à concurrence de la moitié s’il s’agit de biens présents ou futurs que l’époux prédécédé a fait entrer dans le patrimoine commun par une stipulation expresse de la convention matrimoniale (art. 2.3.55, §1 C. civ.).

b. La clause de préciput est souvent rendue facultative afin que le conjoint survivant puisse choisir les biens qui lui seront avancés.

c. Le préciput est soumis aux droits de succession.

5. Clauses concernant le partage

Conformément à l’article 2.3.50 §1 du C. civ., le partage se fait en principe en nature et par moitié. La loi prévoit des exceptions.

L’attribution préférentielle diffère du principe du partage en nature. Ainsi, lors de la dissolution du régime matrimonial, les époux peuvent demander l’attribution préférentielle de certains biens (communs). Les biens qui font l’objet de l’attribution préférentielle sont, d’une part, le logement familial et les effets mobiliers et, d’autre part, les biens professionnels (art.  2.3.13 et 2.3.14 C. civ.). L’attribution se fait toujours en pleine propriété.

Le droit de reprise permet à l’époux qui a apporté des biens propres au patrimoine commun de les reprendre en nature. Les biens encore présents au moment du partage en nature peuvent être repris, à condition que leur valeur soit imputée sur son lot. Le droit de reprise est exclu si l’apport est fait conjointement par les deux époux (art. 2.3.53, §4 in fine C. civ.).

Les époux peuvent également déroger conventionnellement au principe du partage en nature.

Non seulement les époux peuvent déroger au principe du partage en nature, mais ils peuvent également déroger au principe du partage par moitié. Ainsi, la loi mentionne la possibilité d’un partage inégal (art. 2.3.52 C. civ.) et la possibilité d’attribuer à l’un d’eux une part autre que la moitié (art. 2.3.56 C. civ.). Cependant, la liberté contractuelle joue pleinement. En règle générale, cette répartition inégale différente ne s’applique qu’en cas de dissolution du mariage par décès.

Partage inégal

Les époux peuvent convenir que le conjoint survivant, ou l’un d’eux s’il vit le plus longtemps, aura droit à une part supérieure ou inférieure à la moitié des biens communs lors du partage de ces derniers (art. 2.3.56, al.1 C. civ.). Les règles de la liberté contractuelle jouent ici pleinement.

La clause de partage inégal peut porter sur la totalité de la communauté ou sur une certaine catégorie de biens de celle-ci, par exemple les meubles ou les immeubles. Elle peut porter sur la pleine propriété, la nue-propriété ou l’usufruit. La clause peut être stipulée unilatéralement ou réciproquement. Une clause de partage inégal peut également être soumise à des conditions.

Sur la base de la clause d’attribution, le conjoint survivant revendique la totalité du patrimoine commun (art. 2.3.56, al. 1 in fine C. civ.). Dans ce cas, on parle de « au dernier vivant les biens ». Il s’agit d’une disposition à titre général.

Précisions a. Le partage inégal est considéré comme une donation pour la part attribuée au conjoint survivant qui excède la moitié de la valeur, au jour du partage, des biens présents ou futurs que l’époux prédécédé a fait entrer dans le patrimoine commun par une stipulation expresse de la convention matrimoniale (art. 2.3.57 C. civ.). Les règles d’apport et de réduction s’appliquent dans ce cas.

b. Le partage inégal est soumis aux droits de succession, pour ce que le conjoint survivant reçoit en plus de la moitié de la communauté.

Partie 2 - Cohabitation

I. Cohabitation légale

Art. 1475-1479 ancien C. civ.

1. Généralités

Art. 1475-1479 ancien C. civ.

Notions

Par « cohabitation légale », on comprend la situation de vie commune de deux personnes, du même sexe ou non, qui ont fait une déclaration à ce sujet (art. 1475 ancien C. civ.).

Précision En opposition au mariage, cette forme de vie commune a un caractère asexué, si bien qu’elle est également ouverte aux membres de la famille (p.ex. deux sœurs, père et fils, etc.).

Capacité

Pour pouvoir faire une déclaration de cohabitation légale, on doit être majeur et ne pas être lié par un mariage ou par une autre cohabitation légale (art. 1475, §2 ancien C. civ.).

Précisions a. En opposition au mariage, les mineurs ne peuvent pas recevoir de permission (des parents) ou d’autorisation (du juge) pour conclure une cohabitation légale.

b. Les personnes déclarées incapables peuvent faire une déclaration de cohabitation légale avec l’autorisation du juge de paix (art. 1475, §1, al. 2 ancien C. civ.).

Début et fin

La cohabitation légale se réalise par la remise d’un écrit à l’officier de l’état civil du domicile commun, qui en fait mention dans le registre de population (art. 1476, §1 ancien C. civ.). Elle prend fin (art. 1476, §2, al. 1 et 2 ancien C. civ.) :

  • par le décès de l’un ;
  • par le mariage (avec l’autre ou l’un d’eux avec un tiers) ;
  • de commun accord ou unilatéralement par une des parties.

Précisions a. L’écrit doit contenir les données suivantes : la date de la déclaration ; le nom, les prénoms, le lieu et la date de naissance et les signatures des deux parties ; le domicile commun ; la mention de la volonté des parties de cohabiter légalement ; le fait que les deux parties ont pris connaissance du contenu des articles 1475 à 1479 ancien du C. civ. ; l’éventuelle convention de cohabitation qu’ils ont conclu (art. 1476, §1, al. 2 ancien C. civ.).

b. La déclaration de fin doit être remise à l’officier de l’état civil. Aucune intervention judiciaire n’est exigée (art. 1476, §1, al. 1 ancien C. civ.).

2. Conséquences patrimoniales

Art. 1476 ancienC. civ.

a. Régime primaire

Art. 1476 ancienC. civ.

Le régime primaire se compose de quelques dispositions devant être reprises (partiellement) du régime primaire des époux et est impérativement applicable. Il s’agit de :

  • la contribution aux charges de la vie commune ;
  • la protection du logement principal de la famille et des meubles meublants qui l’y garnissent ;
  • la responsabilité solidaire des dettes du ménage et de l’éducation des enfants, à moins que celles-ci ne soient excessives.

Précisions a. Le caractère impératif du régime primaire est toutefois relatif, la cohabitation légale peut en effet être terminée à tout moment, sans intervention judiciaire (art. 1476, §2, al. 2 ancien C. civ.). On peut éventuellement demander au juge de prévoir, pendant un an maximum, des mesures urgentes et provisoires (art. 1479 ancien C. civ.).

b. Les dispositions restantes du régime primaire des époux ne peuvent pas être purement et simplement appliquées aux cohabitants (CC, 21.12.2000).

b. Régime secondaire

Régime légal

Le droit de cohabitation légale relève de la séparation de biens. Il existe ainsi seulement deux patrimoines : le patrimoine propre d’un des cohabitants et le patrimoine propre de l’autre cohabitant.

Vu qu’il n’y a pas de patrimoine commun, tous les biens sont considérés soit comme propres soit comme indivis. Sont considérés comme propres, les biens (et les revenus y afférents) dont un cohabitant légal peut démontrer la propriété exclusive ainsi que les revenus de son travail. Sont considérés comme indivis, les biens restants, et les revenus y afférents.

Précisions a. Les dettes suivent en principe le régime des biens auxquels elles sont attachées.

b. Si le cohabitant légal survivant est héritier du prémourant (p.ex. la fille qui cohabitait avec sa mère), les biens indivis sont considérés comme une libéralité à l’égard des héritiers réservataires, sauf preuve du contraire (art. 1478, al. 3 ancien C. civ.).

Régime conventionnel

Les cohabitants légaux peuvent, avant ou pendant la cohabitation légale, déroger au régime légal par la conclusion d’une « convention de cohabitation » (art. 1478, al. 4 ancien C. civ.).

Son contenu peut être déterminé librement, à condition qu’elle ne contienne aucune clause qui soit contraire aux dispositions impératives, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, aux règles relatives à l’autorité parentale, à la tutelle, et aux règles déterminant l’ordre légal de la succession. On peut p.ex. convenir : des biens que l’on va acquérir dans le futur, du logement familial, de l’épargne, du droit de garde des enfants en cas de rupture, etc. Cette convention doit toujours être passée sous forme d’un acte notarié lequel doit être inscrit par le notaire dans le registre central des conventions matrimoniales, communément appelé « CRH » (art. 2.3.83, §1, 3° C. civ).

Précisions a. Le régime reste applicable aux dispositions auxquelles il n’est pas dérogé dans la convention (art. 1478, al. 4 ancien C. civ.).

b. En pratique, on utilise souvent des clauses d’accroissement afin d’obtenir que le cohabitant légal survivant reçoive la part du prémourant dans les biens indivis.

II. Cohabitation de fait

1. Généralités

Notions

Il s’agit de la situation de vie commune, et l’établissement d’un ménage commun, entre deux personnes ou plus, hors du cadre d’un mariage ou d’une cohabitation légale.

Précision Ni le sexe, ni l’éventuelle parenté, ni l’état civil, ni le nombre de personnes vivant ensemble ne sont pertinents. Il peut donc s’agir p.ex. de trois amis qui louent ensemble une maison, d’une mère qui cohabite avec ses deux filles, d’un oncle qui va habiter chez sa nièce et son mari, etc.

Début et fin

Elle se réalise par une simple déclaration de résidence à la commune ou à la ville compétente et se dissout par le décès, par une décision prise d’un commun accord ou par une décision unilatérale.

2. Conséquences patrimoniales

Régime légal

Contrairement au mariage et à la cohabitation légale, il n’existe pas de régime légal spécifique pour les cohabitants de fait. Par conséquent, les règles de droit commun sont d’application (Bruxelles, 27.02.2001). Chaque cohabitant de fait conserve ainsi tous les biens dont il est propriétaire, y compris les revenus qu’il en tire. Le même principe s’applique aux dettes.

Précision La jurisprudence et la doctrine essaient néanmoins de créer une certaine forme de protection à l’égard des cohabitants (via la figure juridique de l’obligation naturelle) et des tiers qui traitent avec eux (via la théorie de l’apparence et de la confiance légitime). Ainsi, il est généralement accepté qu’une obligation naturelle de contribution aux charges de la cohabitation peut reposer sur les cohabitants de fait (Anvers, 22.04.2003 ; Gand, 25.11.2004) et que les débiteurs-tiers peuvent grâce à l’aide de la théorie de la confiance légitime s’adresser aux deux partenaires pour les dettes du ménage lorsque ceux-ci se sont présentés comme des époux ou des cohabitants légaux.

Régime conventionnel

Des cohabitants de fait peuvent, tout comme des cohabitants légaux, établir une convention de cohabitation. Ils peuvent ainsi p.ex. établir un devoir d’entretien entre eux ou établir un inventaire des biens mobiliers qui leur appartiennent.

Précisions a. Un tel inventaire vaut comme présomption réfragable de propriété entre les partenaires et leurs héritiers. Elle n’est néanmoins pas opposable aux tiers, qui peuvent cependant l’invoquer à leur avantage.

b. Cette convention de cohabitation ne doit pas nécessairement être établie par acte notarié, contrairement à ce qui est le cas pour des cohabitants légaux.